• Le lac Alphonse de Lamartine

    Le lac Alphonse de Lamartine

    En 1816, le poète Alphonse Lamartine vient en cure à Aix-les-Bains en Savoie pour soigner une maladie du foie ou du poumon. En fait c'est pour dépression qu'il vient se reposer au bord Lac du Bourget. Il trouve dans ce décor, à la fois puissant et apaisant, le calme et le repos, et puis il rencontre Julie Charles, l'amour de sa vie. (Source : internet)

    Le lac Alphonse de Lamartine

    (Deux cartes postales de ma collection)

     

    Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages, 

    Dans la nuit éternelle emportés sans retour, 

    Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges 

    Jeter l’ancre un seul jour ? 

     

    Ô lac ! l’année à peine a fini sa carrière, 

    Et près des flots chéris qu’elle devait revoir, 

    Regarde ! je viens seul m’asseoir sur cette pierre 

    Où tu la vis s’asseoir ! 

     

    Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes, 

    Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés, 

    Ainsi le vent jetait l’écume de tes ondes 

    Sur ses pieds adorés. 

     

    Un soir, t’en souvient-il ? nous voguions en silence ; 

    On n’entendait au loin, sur l’onde et sous les cieux, 

    Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence 

    Tes flots harmonieux. 

     

    Tout à coup des accents inconnus à la terre 

    Du rivage charmé frappèrent les échos ; 

    Le flot fut attentif, et la voix qui m’est chère 

    Laissa tomber ces mots : 

     

    Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices ! 

    Suspendez votre cours : 

    Laissez-nous savourer les rapides délices 

    Des plus beaux de nos jours ! 

     

     Assez de malheureux ici-bas vous implorent, 

    Coulez, coulez pour eux ; 

    Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ; 

    Oubliez les heureux. 

     

     Mais je demande en vain quelques moments encore, 

    Le temps m’échappe et fuit ; 

    Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l’aurore 

    Va dissiper la nuit. 

     

     Aimons donc, aimons donc ! de l’heure fugitive, 

    Hâtons-nous, jouissons ! 

    L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ; 

    Il coule, et nous passons !  

     

    Temps jaloux, se peut-il que ces moments d’ivresse, 

    Où l’amour à longs flots nous verse le bonheur, 

    S’envolent loin de nous de la même vitesse 

    Que les jours de malheur ? 

     

    Eh quoi ! n’en pourrons-nous fixer au moins la trace ? 

    Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus ! 

    Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface, 

    Ne nous les rendra plus ! 

     

    Éternité, néant, passé, sombres abîmes, 

    Que faites-vous des jours que vous engloutissez ? 

    Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes 

    Que vous nous ravissez ? 

     

    Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure ! 

    Vous, que le temps épargne ou qu’il peut rajeunir, 

    Gardez de cette nuit, gardez, belle nature, 

    Au moins le souvenir ! 

     

    Qu’il soit dans ton repos, qu’il soit dans tes orages, 

    Beau lac, et dans l’aspect de tes riants coteaux, 

    Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages 

    Qui pendent sur tes eaux. 

     

    Qu’il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe, 

    Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés, 

    Dans l’astre au front d’argent qui blanchit ta surface 

    De ses molles clartés. 

     

    Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire, 

    Que les parfums légers de ton air embaumé, 

    Que tout ce qu’on entend, l’on voit ou l’on respire, 

    Tout dise : Ils ont aimé !

     

    (Alphonse de Lamartine)

     

     

    « Un triste orgue de barbarieLe retour des hirondelles »